Texte de Christiane Laforge

lu à la présentation de Alain Corneau

au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 18 juin 2011


À l’instar des Français, aujourd’hui endeuillés du regretté réalisateur du célèbre film « Tous les matins du monde », le Saguenay–Lac-Saint-Jean s’enorgueillit depuis longtemps de son homonyme, le cinéaste Alain Corneau, né à Jonquière le 5 septembre 1951. Avec raison.


Malgré l’amorce prometteuse d’une carrière à L’Office national du film, où il participe à près de 85 longs et courts métrages, dont plusieurs productions reconnues comme O.K. Laliberté, J.A. Martin photographe, Au clair de la lune Cordélia ou L’affaire Coffin, ce jeune passionné de l’image, preneur de son, scénariste, réalisateur, photographe, préfère développer le cinéma dans sa région. Il y croit à un point tel, qu’envers et contre tous, pendant 27 ans, il a tenu à bout de bras, bien au-delà des limites de ses moyens financiers, la maison de production La Chasse-Galerie, fondée en 1980 sur les rêves de Michel Lemieux, de Karl Brubaker, de Louise Bergeron et d’Alain Corneau. Quatre jeunes créateurs, auteurs, réalisateurs qui croyaient possible de produire du bon cinéma loin de la métropole. « Dans des locaux de misère, évoque le cinéaste lors d’une entrevue, sans salaire, avec des moyens rudimentaires, on a réalisé La ouananiche malade de l'homme et Orage électrique. Nous avions la foi, la ferveur. C'était très important qu'il se fasse du cinéma en région. »


Pourquoi donc? Sinon parce que la présence d’une maison de production assure aux jeunes un lieu d’apprentissage, un allié dans leur exploration, un mentor, le soutien technique, des compétences en cinéma et idéalement un producteur, sans être poussés à l’exil.


Malgré les grandes difficultés des débuts, les nombreux refus des organismes de soutien à la production, les abandons inévitables des cofondateurs, le grand canoë a traversé l’espace-temps, non sans gloire. Certains films marquent brillamment les étapes de l'entreprise. Les Ramoneurs cérébraux de Patrick Bouchard, coproduit avec l'ONF, remporte un prix Jutra. La série La Culture dans tous ses états lui vaut un prix Gémeaux. Plusieurs festivals inscrivent ses productions à leur programme : Deux mille fois par jour de Myriam Pelletier-Gilbert et Stéphanie Lanthier, L’incroyable histoire des machines à pluie de Claude Bérubé, Country et La fiancée de la vie de Carole Laganière, qui remporte le Gold Award du meilleur documentaire canadien au Festival Hot Docs de Toronto, en 2002. Un film vu par près de 500 000 Québécois et maintenant diffusé internationalement.


Chargé de cours au baccalauréat interdisciplinaire en art, option cinéma, à l’Université du Québec à Chicoutimi, Alain Corneau tentera jusqu’en 2007 de sauvegarder cette maison cinématographique. Au cours de son existence, les films produits par la Chasse-Galerie ont été reconnus par la SODEC, par Téléfilm Canada, par l'ONF. Outre plusieurs réalisations remarquées, elle fut une entreprise aux retombées économiques appréciables. Ainsi, de 2001 à 2005 seulement, elle a permis un apport de capitaux de 2 M$ pour un investissement local de moins de 100 000 $ (95 % de son financement provenait de l'extérieur de la région). Elle a contribué à la création de 50 emplois. Au total, bien que ses projets aient rapporté plus de six millions de dollars, l’entreprise à but lucratif n’a pas fait de profit. « Tu pars avec plein de rêves, explique le producteur. Mais une maison de production, c'est une entreprise. Tu dois travailler avec des banquiers, des politiques, des comptables. Cela demande beaucoup de compétences diverses, d’énergie et d’argent. »

En décembre 2007, avec douleur, Alain Corneau sonne le glas sur la fermeture de la Chasse-Galerie. Et l’écho répondit, par la voix de Lyne L’Italien : « Dans une région, une maison comme la Chasse-Galerie, c'est une école, c'est un tremplin vers une carrière pour ceux qui, passionnés, veulent goûter ce métier... »


Tel est bien l’héritage de cet homme remarquable, ce « pilier » du domaine cinématographique au Saguenay–Lac-Saint-Jean qui continue son œuvre comme conseiller et réalisateur. En 2010, il est directeur de production, de postproduction et coscénariste du documentaire « Les Fros » de Stéphanie Lanthier. Puis, avec Boran Richard, il réalise le film expérimental Ils d’errance dont la première a eu lieu au Festival Regard sur le court métrage au Saguenay de 2011.


Le 18 juin 2011

Alain Corneau


Scénariste, réalisateur, producteur exemplaire

Pilier du cinéma au Saguenay–Lac-Saint-Jean


fut reçu membre de L’Ordre du Bleuet


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mercredi 24 août 2011

Alain Corneau sur vidéo au Gala 2011

Quelques minutes pour se souvenir d'un grand moment

Gala 2011 de l'Ordre du Bleuet
   Alain Corneau

© Société de l’Ordre du Bleuet et Ariel Laforge